top of page

Écrire / 2

" L'air du temps, le goût du jour, vous vous en apercevez avec le recul, ont parfois laissé leur marque étrangère sur vos pages comme des traces de doigts. Il arrive de se dire - tout en sachant fort bien que c'est de vous : " Comment ai-je pu écrire ça ? ". Disons, si vous voulez, quà travers la série échelonnée de mes livres, " ce que j'ai été " offre parfois quelque résistance à " ce que je suis "."

Julien Gracq : extraits de "Entretiens" Éditions José Corti

" Quand on écrit, on risque à chaque instant de commettre une trahison, en violant l'essence de la réalité. Décrire avec une fidélité tenace ce qui apparaît - depuis les lieux aux êtres, en passant par les mots et le silence - signifie lutter contre l'oubli du temps, qui efface tout. Dire, c'est une façon de ramener à la vie..."

 

Claudio Magris : extrait d'un entretien pour le magazine Lire, novembre 1998.

claudio magris.jpg

" Je ne veux pas écrire avec une fleur dans les cheveux,  je voudrais écrire comme on mord dans la viande "

​

Emmanuelle Pagano,  dans un court entretien à L'Express du 14 janvier 2010

​

" Les profanes s'imaginent qu'écrire et dire expriment une activité identique. On se mettrait à écrire parce qu'on a quelque chose à dire. Rien n'est plus faux. Il arrive, et plus souvent qu'on ne le pense, qu'il faille des années à un écrivain pour entrevoir ce qu'il aspire à dire ; et s'il le dit, c'est, plus souvent encore, à son insu. Car l'écrivain habite le silence. On reconnaît l'exacte nécessité des mots qu'il emploie à la gangue de silence dont ils sont enveloppés. paradoxalement, écrire, c'est d'abord se taire, c'est se recueillir, c'est plonger dans le silence et se familiariser avec sa pénombre où, telles des algues et des fougères sous-marines, évoluent des formes imprécises. On est bien loin, dans ces régions de ténèbres et de pulsations abyssales, des évidences de la réalité, de la dure consistance des apparences. Mensonge et réalité, songe et vérité se mêlent et se confondent. Tout l'effort consiste, en bougeant le moins possible, en devenant pure attention, à ne rien déranger de l'étrange alchimie qui défait et refait les formes..."

​

Michel Del Castillo : extrait de "La gloire de Dina" Éditions du Seuil, 1984

Richard_Ford..jpg

" Si je n'écris pas, je ne sais rien, je ne vois rien, je suis vide... On écrit pour découvrir ce qui vous inquiète et qu'on ne sait pas nommer. C'est le roman qu'on écrit qui vous le donne à découvrir. C'est un sentiment de clarté fugace. Ensuite la lumière s'éteint, et on retourne à son brouillard..."


Rafael Chirbes : entretien dans Télérama 3092 du 15 avril 2009

" J'essaie de faire de l'écriture quelque chose de normal. Ce n'est pas sacré, l'écriture, savez-vous. Le seul rituel que j'ai, c'est que je ne bois pas quand j'écris : pas un verre d'alcool. Jamais. Mais l'écriture est une activité complexe : parfois, quand je suis en train d'écrire un roman, je m'installe juste à mon bureau et je reste assis à regarder les trucs emplilés sur mon bureau. Ca fait partie de l'acte d'écrire, même si je ne noircis pas une seule ligne. Quand j'écris, c'est sur des feuilles blanches, sur une écritoire à pince que je pose sur mon genou lorsque j'ai trop mal au dos pour rester assis derrière mon bureau. J'ai moins l'impression de construire la chapelle Sixtine qu'un simple mur de briques..."

Richard Ford . Extrait d'entretien. Lire n°369 Octobre 2008

" Je vis à Los Angeles trois à quatre mois par an. J'ai une adresse sensationnelle : 7950 Sunset Boulevard. A quelques encablures du Château Marmont. Mon appartement domine la ville, parce que j'habite au sixième étage et que LA est horizontale. Je contemple les quadrilatères, le lent balancement des palmiers, au loin les tours de Century City, et le nuage de pollution qui dessine la ligne entre terre et ciel...

Là-bas, je suis dans l'oisiveté, il n'y a rien à faire, la vie culturelle, c'est zéro, les librairies ont été remplacées par des salles de sport, les sujets de conversation c'est les chiens, l'amour des animaux de compagnie, les gens sont si seuls. Non, là-bas, je ne fais rien. Sauf écrire. Écrire mes livres. Je ne suis dérangé par personne. La vie sociale a disparu. La France a disparu. Le décalage horaire est gigantesque. Je ne suis atteint par rien, Un rêve d'écrivain. "

 

Philippe Besson. Dans le magazine Transfuge n° 69 Juin-Juillet 2013

Par Auteurs
M. de Kerangal
Sylvie Germain
Pirandello
Virginia Woolf
bottom of page