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Poésie

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" Parfois je pense que, marchant face au vent, je suis semblable à un alphabet qui égare ses lettres. Dès lors il faut que je fasse avec celles qui demeurent à ma portée. C' est peut-être de là que provient mon souci de concision. L'écriture aura été la grande affaire de ma vie. Je n'ai vécu que pour elle, tentant toutefois d'échapper à la poésie. Pour cela j'ai été injuste. J'ai participé à un livre au titre sans équivoque : Haine de la poésie. En tout cas je me suis toujours méfié d'elle et, sur le fond, c'est un sentiment qui est toujours mien. J'ai travaillé  dur pour la conduire dans mes eaux, sur mes terrains, là où je souhaitais qu'elle fût. J'évoquais le vent du Nord. C'est un compagnon étrange chez qui cohabitent angoisse et peur. Les mots chuchotent, regardent, choisissent leur camp. Ils sont d'une même fratrie, ce qui n'empêche nullement qu'ils se fassent la guerre. Pour moi la poésie est ce qui ressemble le plus à ce combat fratricide de la langue contre elle-même. "

 

Franck Venaille : " c'est nous les modernes " Flammarion 2010

" Tous les ordres d'activité se portent à la fois par des chemins à eux vers cette même fin qui est de savoir : la sagesse, la magie, la science, la poésie, et aussi la religion. Et c'est pourquoi encore le poète est si compromis, car la poésie est une activité et on interroge le poète qui interroge, on attend de lui des réponses alors qu'il se contente de poser des questions. Poser des questions, c'est  échauffer, mais échauffer, par les temps qui courent, c'est exciter en même temps, à l'opposé de l'homme, le besoin d'instruction ; car c'est de l'instruction que tout le monde attend une amélioration à son propre sort. De sorte que le poète est condamné à se taire ou à devenir médecin, lui aussi, alors qu'il est si malade lui-même : et qu'il n'est poète que précisément parce qu'il est malade, et qu'il n'a plus de poésie quand tout va bien. Couvert de bandages, boîteux, béquillant, et quand même sollicité : par ces autres plus boîteux que lui, plus défigurés, plus navrés et qui ont essayé déjà de tant de remèdes."

C.F.Ramuz : " La pensée remonte les fleuves " Terre Humaine, Plon, 1979

" Je n'ai fait aucune démarche pour empêcher de brûler le poète dont vous me parlez, sinon de dire à un ministre qu'il vaudrait mieux en brûler d'autres d'abord. Je pense que vous parlez d'un livre intitulé : " Fleurs du mal " , livre très médiocre, nullement dangereux, où il y a quelques étincelles de poésie, comme il peut y avoir dans un pauvre garçon qui ne connaît pas la vie et qui en est las parce qu'une grisette l'a trompé. Je ne connais pas l'auteur, mais je parierais qu'il est niais et honnête, voilà pourquoi je voudrais qu'on ne le brûlât pas."

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".Prosper Mérimée, parlant de Baudelaire dans une lettre adressée à Mme de La Rochejacquelein, du 29 août 1857.( Recueilli dans le numéro 323 du magasine " L' histoire " de Septembre 2007.)

 

" Qu'est-ce qui nous distingue de la nature inanimée ou de la nature zoologique ? C'est le verbe. Sans lui, nous vivrions comme des porcs et d'ailleurs, la grande majorité de nos congénères vivent ainsi. N'oublions pas que nous sommes des êtres assez monstrueux, même si nous le cachons soigneusement derrière des simagrées sociales. Nous portons un fond extrêmement sauvage qui, par exemple, a pu faire en quelques années d'un pays aussi civilisé que l' Allemagne, le pays de Hitler : même si on idolâtre Schiller et Goethe, on n'évite pas pour autant le risque de devenir un monstre. Et que dire de la Russie ? Face à ce fond bestial, la seule chose qui peut nous sauver, c'est le verbe en tant que poésie pure. Nous ne sommes pas seulement des êtres voraces, violents ou des rapaces destructeurs, nous sommes aussi créateurs de mondes poétiques."

AndreÎ Makine dans le n° 26 de Transfuges janvier 2009

 Aujourd'hui, on n'a plus qu'un mot à la bouche : "valeur", "Nos valeurs". Comme des titres de propriétés, le discours des propriétaires de la planète... Je crois à la beauté. Je ne crois qu'à la beauté...La beauté, il faut la trouver. "Je cherche l'or du temps", disait Breton. Il a fait inscrire ces mots sur sa tombe.

  Tout est très laid quand tout est faux. Extension du domaine de la laideur, c'est ça le Spectacle. Partout du bruit ! Et surtout, absence de poésie. Et donc, absence d'amour..."

 

Philippe Solers : extrait de " Contre-attaque, entretiens avec Franck Nouchi", Grasset et Fasquelle, 2016

Je suis un poète raté. Peut-être tous les écrivains veulent-ils écrire d'abord de la poésie, constatent qu'ils ne le peuvent pas et essaient ensuite  les nouvelles, la forme la plus exigeante après la poésie. Et, échouant à cela aussi, c'est alors qu'ils se lancent dans l'écriture de romans."

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William Faulkner, extrait d'entretien pour Paris Review, 1956.

Paris review anthologie, volume2, Christian Bourgois, 2011

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Fréquemment, le vague dans l'exprimé est la plus fidèle traduction du ressenti susceptible d'être saisi par l'intellect. D'où cette sorte d'aura de la vraie poésie qui, par un tel incertain, est au plus près d'un possible exprimable.

 

Louis Calaferte :  "L'or et le plomb, Carnets 1968-1973" Éditions Denoël, 1981.

Par Auteurs
M. de Kerangal
Sylvie Germain
Pirandello
Virginia Woolf
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