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Souvenir

" Vous vieillirez Amour vous vieillirez un jour

Le Souvenir au loin sonne du cor de chasse"

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Guillaume Apollinaire : Poèmes à Lou

"  Nos souvenirs :  du vraisemblable , plaqué sur de l'oublié " .

    Milan Kundera dans " L'ignorance"

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Soudain quelque part - un chant, un parfum senti par hasard - soulève en mon âme le bâillon qui étouffait mes souvenirs... Tout ce que j'ai été et que je ne serai jamais plus ! Tout ce que j'ai eu, et n'aurai plus jamais ! Et les morts ! Ces morts qui m'ont aimé tout enfant ! Quand je les évoque, toute mon âme se glace et je me sens banni des cœurs humains, seul dans la nuit de moi-même, et pleurant, tel un mendiant, le silence clos de toutes les portes."

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Fernando Pessoa, Le livre de l'Intranquillité

" Hors des profondeurs semi-conscientes de mon enfance montait le souvenir d'un wagon-restaurant où j'étais assise, dans un train qui traversait la plaine du Nord, de Pékin à Hankéou. Mes parents, ma soeur et moi étions autour d'une nappe blanche, et derrière la vitre il y avait la plaine complètement inondée, océan d'eau brunâtre. Cà et là le sommet d'un arbre, çà et là un toit. Sur ces toits des gens étaient assis... Puis les serveurs entrés, nous apportant le premier plat, et tout au long du repas copieux aux plats nombreux nous regardions par la fenêtre, tandis que le train filait à travers la plaine et que, sur les toits, des hommes environnés d'eau attendaient la mort... "

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Han Suyin : extrait de " Multiple splendeur " Editions Stock 1982

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Nancy avait une bouche pareille à un souvenir de baiser, des yeux d'ombre, des cheveux de jais hérités de sa mère, originaire de Budapest. Jim la voyait souvent passer dans la rue, avec sa démarche de petit garçon, les mains dans les poches, et il savait qu'avec son inséparable Sally Carrol Hopper, elle avait laissé derrière elle une traînée de cœurs brisés qui allait d’Atlanta à la Nouvelle Orléans... "

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Francis Scott Fitzgerald, extrait de la nouvelle " Guimauve " Gallimard 1967

Chacun de nous a des souvenirs secrets et merveilleux qui remontent à son enfance, à sa jeunesse ou même à son âge adulte. Ce sont des bribes du passé qui nous sont particulièrement chères : une journée d'été, un bord de mer, les paroles ou le silence d'une personne aimée. Dans la vie réelle, il n'en reste rien. Les protagonistes jeunes ou vieux, sont morts ou devenus méconnaissables. La maison a brûlé, le jardin a été détruit, le lieu a changé trois fois de nom, la végétation l'a envahi ou bien on y a creusé un lac artificiel. Nous sommes seuls avec nos souvenirs, comme dans un rêve.

   Lorsque nous mourons, ces charmantes visions, légères et secrètes, disparaissent avec nous. jamais personne ne les ressuscitera. Chacun de nous est un réservoir où survivent ces instants comme des poissons dans un aquarium...

  Lorsque j'évoque un certain souvenir, c'est comme si je me mettais à dialoguer avec moi-même telle que j'étais à seize ans. Il s'agit de l'excursion à Pavlovsk, par un jour de printemps 1917. C'était la fin de mes études au lycée et j'étais heureuse. Nous formions un groupe de neuf ou dix jeunes filles accompagnées de deux de nos professeurs. Je me sentais si débordante de vie que, dans le train de retour, mes pensées se sont envolées vers l'avenir. Un jour, je me souviendrais du bonheur de cette journée, et ce souvenir pourrait sinon m'épargner l'épreuve, du moins me réconforter. Ce qui m'arrive aujourd'hui correspond à ce que j'imaginais alors. À présent, je me tourne vers ce passé qui m'enveloppe et je me rends compte que ce souvenir, telle une sentinelle, monte la garde et protège ma vie

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Nina Berberova : " C'est moi qui souligne"

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     " Si je succombe avant d'avoir connu la gloire [ ... ]
     j'emporterai quand-même au fond de ma mémoire
     des souvenirs d'amour, ô muse, assez brûlants
     pour sourire à la mort [ ... ]


     Philippe Chabaneix ( 1898 - 1982 )

C'est affreux mais la distance est si douloureuse que je tue ce que je laisse pour ne pas souffrir du souvenir.

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Barbara, en 1963: Lettre d'amour à Luc Simon, qui deviendra une chanson. Quasiment mot pour mot, elle l'enregistrera l'année suivante sur son premier album.

Dossier Télérama du n°3534, du 04/10/2017

Mourrait- il lui-même en hurlant pendant trois jours et trois nuits, l'illusion de la vie lui éclatant d'un coup au visage ? Ou mourrait- il en se souvenant d'un rire dans une fête foraine ? Lev savait que la réponse à ces questions, inéluctable, était plus importante que la perte de son entreprise et de sa fortune. Hurler trois jours et trois nuits ou se souvenir d'un rire."

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Fabrice Humbert : extrait de "La fortune de Sila", Le Passage Paris - New-York Éditions, 2010

Par Auteurs
M. de Kerangal
Sylvie Germain
Pirandello
Virginia Woolf
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