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Guerre / 2

Erich Maria Remarque pendant son séjour à l'hôtel Curhaus, Davos en 1929

" Pour moi, le front est un tourbillon sinistre. Lorsqu'on est encore loin du centre, dans une eau calme, on sent déjà la force aspirante qui vous attire, lentement, inévitablement, sans qu'on puisse y opposer beaucoup de résistance. Mais de la terre et de l'air nous viennent des forces défensives, surtout de la terre. Pour personne, la terre n'a autant d'importance que pour le soldat. Lorsqu'il se presse contre elle longuement, avec violence, lorsqu'il enfonce profondément en elle son visage et ses membres, dans les affres mortelles du feu, elle est alors son unique amie, son frère, sa mère. Sa peur et ses cris gémissent dans son silence et dans son asile : elle les accueille et de nouveau elle le laisse partir pour dix autres secondes de course et de vie, puis elle le ressaisit, - et parfois pour toujours. Terre ! terre ! terre ! Terre, avec tes plis de terrain, tes trous et tes profondeurs où l'on peut s'aplatir et s'accroupir, ô terre dans les convulsions de l'horreur, le déferlement de la destruction et les hurlements de mort des explosions, c'est toi qui nous as donné le puissant contre-courant de la vie sauvée. L'ébranlement éperdu de notre existence en lambeaux a trouvé un reflux vital qui est passé de toi dans nos mains, de sorte que, ayant échappé à la mort, nous avons fouillé tes entrailles et, dans le bonheur muet et angoissé d'avoir survécu à cette minute, nous t'avons mordue à pleines lèvres... Une partie de notre être, au premier grondement des obus, s'est brusquement vue ramenée à des milliers d'années en arrière. C'est l'instinct de la bête qui s'éveille en nous, qui nous guide et nous protège. Il n'est pas conscient, il est beaucoup plus rapide, beaucoup plus sûr et infaillible que la conscience claire ; on ne peut pas expliquer ce phénomène. Voici qu'on marche sans penser à rien et soudain on se trouve couché dans un creux de terrain et l'on voit au-dessus de soi se disperser des éclats d'obus, mais on ne peut pas se rappeler avoir entendu arriver l'obus, ni avoir songé à se jeter par terre. Si l'on avait attendu de le faire, l'on ne serait plus maintenant qu'un peu de chair çà et là répandu. C'est cet autre élément, ce flair perspicace qui nous a projetés à terre et qui nous a sauvés sans qu'on sache comment. Si ce n'était pas cela, il y a déjà longtemps que, des Flandres aux Vosges, il ne subsisterait plus un seul homme. Quand nous partons, nous ne sommes que de vulgaires soldats, maussades ou de bonne humeur et, quand nous arrivons dans la zone où commence le front, nous sommes devenus des hommes-bêtes..."

 

Erich-Maria Remarque,  " À l'Ouest, rien de nouveau " Éditions Stock, 1929.

85 / 5000 Résultats de traduction L'écrivain allemand Günter Grass, juré au Festival du film de Venise 1984

A  Reims, on pouvait encore admirer les dégâts de la Première Guerre Mondiale. La ménagerie de pierre de la célèbre cathédrale, écœurée de l'humanité, vomissait sans arrêt de l'eau sur les pavés.

Gunter Grass : " Le tambour"

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