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Ironie

" L'ironie est (...) le signe d'une attitude de liberté et de libération, la marque d'un double refus, celui du conformisme et celui du champs mystique. "

Léonardo Sciascia . ( Entretien dans le magasine " Transfuges " n°14 de Janvier 2007 )

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Dans les bois qui surplombaient le village de Cubières, nous croisâmes quatre chasseurs. Ils pesaient dans les cent kilos chacun. Ils marchaient sur la piste forestière, fusil au coude. L'un d'eux portait un triple menton et une seule battue ne lui serait pas suffisante pour éponger la graisse. Tuer des bêtes mieux affermies que soi ne résolvait pas l'embonpoint.

- Vous devriez avoir des tenues fluo pour éviter les accidents nous dit le premier .d'entre eux.
En somme, on nous réprimandait, ce qui agaça Gras.
- Messieurs, dit-il, selon une habitude contractée en Russie d'user d'une langue châtiée devant les abrutis, nous sommes confus de vous contraindre à exercer votre sens de l'observation.
- Ironique? dit le type.
- Pas d'autres armes, dit Gras.

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Sylvain Tesson : "Sur les Chemins noirs " Gallimard, 2016

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Pollsmoor - personne ne prend la peine de dire la prison de Poolsmoor est une maison d'arrêt entourée de hauts murs, de barbelés et de miradors. Autrefois l'établissement se dressait seul sur un terrain de sable et de broussailles. Mais au fil des années, timidement d'abord, puis avec plus d'assurance, les lotissements de banlieue se sont subrepticement rapprochés, si bien qu'aujourd'hui, cerné par des maisons bien alignées d'où sortent des citoyens modèles qui partent jouer leur rôle dans l'économie nationale, c'est Pollsmoor qui est une anomalie dans le paysage.

  Que le goulag sud-africain dresse sa silhouette obscène au beau milieu des banlieues blanches et que l'air que respirent les Truscott soit passé par les poumons de mécréants et de criminels ne manque pas d'ironie. Mais pour les barbares, comme l'a souligné Zbigniew Herbert*, l'ironie est comme le sel : cela crisse sous la dent avec une saveur éphémère ; cette saveur disparue, il reste la brutale réalité. Que faire de la brutale réalité de Pollsmoor lorsqu'on ne jouit plus de l'ironie ?

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J.M. Coetzee : extrait de " L'été de la vie " Seuil 2010

"Nous vivons dans le concret, nous aspirons à l'absolu et nous finissons dans le néant, parce que la mort est la rencontre terrifiante du concret et de l'absolu et qu'elle constitue pour le sujet  une union ironique. Et la plus grande ironie est que le sujet n'en fait même pas l'expérience, parce que la mort n'est pas une expérience. "

 

 

Imre Kertész : " Journal de Galère", Actes Sud 2010

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