top of page

Passant

Achille Mbembe.jpg

" C'est dans le passage que réside le propre de l'humanité. Nous sommes des passants dans le sens où l'histoire des humains est bien plus courte que celle du monde. Nous sommes une parenthèse dans cette histoire. Si l'humanité arrive un jour à son extinction, le monde lui survivra. Le monde a une histoire avant nous et en aura une après nous. Notre grande illusion c'est d'avoir cru que nous étions maîtres et possesseurs de ce monde. la nouvelle condition planétaire implique que nous développions notre conscience  de passant (n'appartenir à aucun lieu propre), plus que notre conscience de citoyen, qui se double toujours d'une ségrégation entre ceux qui sont inclus dans cette citoyenneté et ceux qui en sont exclus. Etre un passant signifie être solidaire dans ce passage, mais aussi développer une éthique du détachement par rapport à nos identités, à nos origines, que l'époque ne cesse de fétichiser et d'hystériser. Nous passons notre temps à investir dans ces histoires de différence, de déterminisme. Le monde, plastique, lui, n'en a que faire."

​

Achille Mbembe : extrait d'entretien dans Télérama 3462 du 18/05/16

https://fr.wikipedia.org/wiki/Achille_Mbembe

​

" C'est une chose étrange à la fin que le monde                     
 un jour je m'en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d'incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes (...)

Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin là sera l'aube première
Il y aura toujours l'eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n'est le passant "


Aragon

" Nous fîmes le feu ce soir-là sur le rebord de la falaise, en contre-haut de Chassagnes. Des rapaces coupaient l'air. Toute la nuit, le vent fit claquer nos tentes avec ce bruit des voiles qui réveillent en sursaut les marins pas sérieux, endormis pendant leur quart. À minuit, Gras, régulé comme une chauve-souris, se prit à parler.

  - Vois-tu, nous voyageons et nous ne comprenons rien à ce chaos de blocs.

  - Le marcheur n'est pas digne de ce qu'il foule, dis-je.

  - Il y a une scène dans Les Cosaques de Tolstoï. Un vieux soldat emmène dans la forêt de jeunes cadets russes sortis de l'école militaire. Ce sont de brillants officiers. Ils ont leurs diplômes, leur science, leurs médailles mais ils ne voient pas les traces des bêtes au sol, ils ne déchiffrent rien des signes du vent dans les arbres. Et le vieux a ce mot : " Ils sont savants mais ils ne savent rien."

   - C'est nous, dis-je.

   - Mon vieux, la ruralité que tu rabâches est un principe de vie fondé sur l'immobilité. On est rural parce que l'on reste fixé dans une unité de lieu d'où l'on accueille le monde. On ne bouge pas de son domaine. Le cadre de vie se parcourt à pied, s'embrasse de l’œil. On se nourrit de ce qui pousse dans son rayon d'action. On ne sait rien du cinéma coréen, on se contrefout des primaires américaines mais on comprend pourquoi les champignons poussent au pied de cette souche. D'une connaissance parcellaire on accède à l'universel.

   - "L'universel, c'est le local moins les murs", dis-je. Tu connaissais cette phrase de Miguel Torga ? 

   - Non, dit-il. Nous, nous sommes modernes. Nous passons."...

​

Sylvain Tesson : " Sur les chemins noirs", Gallimard, 2016

Se pencher sur le fleuve qui est de temps et d'eau
  Et penser que le temps à son tour est un fleuve
  Puisque nous nous perdons comme se perd le fleuve
  Et que passe un visage autant que passe l'eau.


Jorge Luis Borges : " Art poétique "

Glané dans Lire comme on se souvient de Jean Mambrino

Sylvain_Tesson_en_2011-_P1160238.jpg
Par Auteurs
M. de Kerangal
Sylvie Germain
Pirandello
Virginia Woolf
bottom of page