top of page

Désespoir

Albert-camus.jpg,

Kierkegaard peut crier, avertir : "Si l'homme n'avait pas de conscience éternelle, si, au fond de toute chose, il n'y avait qu'une puissance sauvage et bouillonnante, produisant toute choses, le grand et le futile, dans le tourbillon d'obscures passions, si le vide sans fond que rien ne peut combler se cachait sous les choses, que serait donc la vie, sinon le désespoir ?" Ce cri n'a pas de quoi arrêter l'homme absurde. Chercher ce qui est vrai n'est pas chercher ce qui est souhaitable. Si pour échapper à la question angoissée : "Que serait donc la vie ?" il faut comme l'âne se nourrir des roses de l'illusion, plutôt que de se résigner au mensonge, l'esprit absurde préfère adopter sans trembler la réponse de Kierkegaard : "le désespoir". Tout bien considéré, une âme déterminée s'en arrangera toujours.

​

Albert Camus : Le mythe de Sisyphe, Gallimard, 1942

On entrait dans un appartement ou une villa du nord de Téhéran et on se retrouvait soudain au milieu d'une jeunesse en maillot de bain qui s'amusait, un verre à la main, autour d'une piscine, parlait parfaitement anglais, français ou allemand et oubliait, dans l'alcool de contrebande et le divertissement, le gris du dehors, l'absence de futur au sein de la société iranienne. Il y avait quelque chose de désespéré dans ces soirées ; un désespoir dont on sentait qu'il pouvait se transformer, pour les plus courageux ou les moins nantis, en cette énergie violente propre aux révolutionnaires.

​

Mathias Enard :  " Boussole", Éditions Actes Sud, 2015

​

Mathias Enard au Salon du livre de Paris lors du débat Une résidence, pour quoi faire ? photo Georges Seguin (Okki)
Par Auteurs
M. de Kerangal
Sylvie Germain
Pirandello
Virginia Woolf
bottom of page