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Douceur

Christian Bobin en dédicace à Nancy (Le Livre sur la Place 2011) Ji-Elle

" Ecrire, c'est dessiner une porte sur un mur infranchissable, et puis l'ouvrir...

Vous voyez le monde. Vous le voyez comme moi. Ce n'est qu'un champ de bataille. Des cavaliers noirs partout. Un bruit d'épées au fond des âmes. Eh bien, ça n'a aucune importance. Je suis passé devant un étang. Il était couvert de lentilles d'eau - ça oui, c'était important. Nous massacrons toute la douceur de la vie et elle revient encore plus abondante. La guerre n'a rien d'énigmatique - mais l'oiseau que j'ai vu s'enfuir dans les sous-bois, volant entre les troncs serrés, m'a ébloui. J'essaie de vous dire une chose si petite que je crains de la blesser en la disant. Il y a des papillons dont on ne peut effleurer les ailes sans qu'elles cassent comme du verre...

 Nous ne sommes que rarement à la hauteur de cette vie. Elle ne s'en soucie pas. Elle ne cesse pas une seconde de combler de bienfaits les assassins que nous sommes."

 

Christian Bobin : extrait de " L'homme-joie " editions L'iconoclaste

lu dans le magazine Lire n° 409, d'octobre 2012

" Avant de dormir, je buvais du cognac portugais appelé Aldeia Velha, j'essayais d'écrire deux ou trois trucs qui ne venaient pas, alors je retournais fumer à la fenêtre en regardant scintiller Lisbonne. Jeanne dormait déjà depuis longtemps. Une de ses jambes était en dehors du drap,  en entier, jusqu'au haut de la cuisse, jusqu'à son tee-shirt trop court ; elle respirait doucement, le visage à moitié dissimulé par ses cheveux. De temps en temps une brise venue de l'océan envahissait la pièce et j'avais l'impression de la voir frissonner, il y avait une grande douceur dans ce moment."

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Mathias Énard : extrait de " L'alcool et la nostalgie" Éditions Inculte, 2011

Par Auteurs
M. de Kerangal
Sylvie Germain
Pirandello
Virginia Woolf
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