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Racisme

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"... j'ai lu des centaines de récits et de comptes-rendus de Noirs et de Métis en Amérique. J' en suis venu à

 

Richard Powers,

penser que le racisme résulte de la démonstration faite à nous-mêmes que le sens de la propriété, l'individualisme est un non-sens, une absurdité. Aussi longtemps que nous nous définissons nous-mêmes par opposition - par toutes ces catégories que nous ne sommes pas - nous serons menacés par tous ces groupes d'" autres " qui semblent nous nier. Le racisme continue d'être un fait quotidien en Amérique. La chanson de celui qu'on voudrait être n'en est qu'à ses premières mesures, ses notes d'ouverture."

Richard Powers : Entretien dans " Transfuge " n° 10 , Mars- avril 2006
www.transfuge.fr/

... Avec mes amis noirs américains, j'ai souvent eu un autre type de discussion. Par leur socialisation et leur vécu au quotidien dans une sorte de violence, d'abord, de racisme ensuite, latent et à fleur de peau, ils ont une patience très limitée envers toute dérive discriminatoire. D'ailleurs, un certain nombre de blagues vaseuses en France, genre " Bamboula ", " Banania " et autres subtilités bas de gamme, genre Agathe Cléry, ne passeraient pas. Ils ont grandi dans un milieu violent ( en termes de ségrégation ) et il est normal qu'ils voient du racisme partout. Car il est vraiment partout. Mais on  ne peut pas se laisser définir tous les jours par ce racisme. C'est comme si, en tant que femme, vous vous laissiez définir tous les jours par le fait que vous êtes une femme. Vous ne pouvez rien faire d'autre, vous ne pouvez pas être journaliste dans votre tête, vous ne pouvez pas être poète, skieur ou conducteur de métro, parce que, tout le temps, vous êtes préoccupée par le regard qu'on jette sur vous. Avec mes collègues noirs américains, par ma distance avec cette réalité, je pouvais leur dire de se méfier de cette mise sous tension permanente. Car le racisme est aussi un piège pour celui qui en est victime au quotidien. Cela finit par prendre beaucoup de place dans le cerveau, alors que celui qui vient juste de vous insulter( consciemment, ou pire, inconsciemment ) va pouvoir continuer sa journée dans l'insouciance... Aujourd'hui la chose est mieux connue, c'est cette espèce de racisme silencieux, qui ne dit pas son nom, de micro-racisme, ces moments où l'autre ne voit même pas qu'il a commis un acte ou une réflexion raciste, mais, vous, vous avez pris ça de plein fouet et vous restez toute la journée avec cette micro-agression. Et l'autre n'est même pas au courant. Donc, si vous passez vos journées à subir des micro-agressions et que lea autres s'en foutent, au bout d'un moment, vous plongez. Il faut trouver une parade à ça. Baldwin, c'est là son incroyable force, retourne le miroir vers celui qui agresse. Il dit : le problème c'est vous, ce n'est pas moi. Moi, je n'ai aucun problème avec ma tête, avec ma couleur, avec qui je suis. C'est votre regard le problème. Donc essayez de savoir pourquoi vous avez ce regard et d'où il vient, et surtout pourquoi vous en avez besoin. Baldwin dit à l'Amérique : pourquoi avez-vous eu besoin d'inventer le nègre ? C'est votre conscience, débrouillez-vous avec... C'est extrêmement libérateur... En France, il y a un tel déni de la question de couleur, de la question de race, de la question du racisme, comme si la République, une fois pour toutes, avait résolu ces problèmes et que le résidus n'étaient que des accidents. Non, c'est plus grave que ça...Chacun sa culture, chacun son mode de gestion des conflits. En France, il y a des films qui ne me font pas rire ( Agathe Cléry ) mais qui font rire une partie du public français. Ces films, si on les avaient tourné aux États-Unis, les salles de cinéma seraient boycottées ! Ils n'auraient pas pu être distribués. Il est facile de regarder vers les États-Unis, où les Noirs sont violents, où les policiers tuent les jeunes Noirs, mais aussi absurde que cela paraisse, il y a un certain nombre de règles et de limites. Tandis qu'ici on fait passer des choses sur le ton de la camaraderie : " Allez, ne te vexe pas ! C'est une blague. " Aux États-Unis, ça déboucherait sur une paire de claques parce que c'est inacceptable. En France, on sous-estime la colère qui existe dans le cœur de beaucoup de français qui sont nés ici, mais qui ont également une autre identité. Lorsque le lieu où vous êtes né semble ne pas vous octroyer les mêmes droits de citoyen, cela peut sérieusement vous ébranler.Chaque fois qu'une banlieue ou une partie du territoire se révolte, brûle des voitures, on prend quelques petites mesures, on met un peu d'argent et on a la paix pour un, deux ou trois ans. Mais le problème n'est pas réglé. Je suis plutôt inquiet pour l'avenir de cette ..société parce qu'elle est devenue tellement aveugle... Pendant ce temps, on ne prend pas le recul pour regarder où on en est aujourd'hui, et vers quoi on va...

 

Raoul Peck extrait d'un entretien sur France Culture diffusé du 27 au 31/08/2018 retranscrit dans la revue Papiers n°26, Octobre Décembre 2018

" Dès l'âge de quatre ans, je savais que je quitterais ce pays. Mon expérience de l'Algérie, c'était la violence et la guerre, le pétainisme, une superposition hallucinante de racismes, et l'exploitation monstrueuse d'un peuple. Il suffisait d'ouvrir les yeux pour voir que neuf millions d'inférieurs n'avaient pas de droit, ne votaient pas, n’étaient pas scolarisés. Mon père médecin avait fait le choix moral de s'installer dans un quartier arabe d'Alger avec seulement trois ou quatre familles dites "européennes". Je voyais la misère à notre porte. Les Algériens, qu'on appelait les Arabes, les indigènes, étaient un peuple en haillons qui avait faim.  À deux cents mètres de chez nous commençait le bidonville. Cinquante mille personnes et une seule fontaine. Après la mort de mon père, ma mère a travaillé comme sage-femme dans ce bidonville et je l'accompagnais. Ce pays n'était pas vivable. L'idée qu'on pouvait posséder un peuple et l'exploiter était une idée folle, dont les français s’accommodaient très bien...

"

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Hélène Cixous : extrait d'entretien pour Télérama 3545/46, du 20/12/2017

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Pirandello
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